Hofstetten-Flüh, die Flühmühle. Foto/Photo:TES

Un moulin symbolise la stabilité du canton et de la Confédération

En 1461, Peter Reich von Reichenstein a acheté le château de Landskron, qui comprenait en outre un moulin sur le Mühlbach à Flüh. Aujourd’hui, le château de Landskron se trouve en France, près du village de Leymen (Alsace), juste après la frontière avec le canton de Soleure. À l’époque, l’Alsace appartenait toutefois encore aux Habsbourg.

Flüh se composait alors de quelques fermes. Le village voisin était Hofstetten. Aujourd’hui, cette commune s’appelle Hofstetten-Flüh (canton de Soleure). Hofstetten n’était pas n’importe quel village, mais jusqu’en 1408, l’un des sept villages impériaux libres du Blauen (Reichsdörfer am Blauen). En 1408, les seigneurs de Rotberg acquirent les sept villages.

Hofstetten

Witterswil

Ils perdirent ensuite leur indépendance (y compris la juridiction et la propriété des prés et des forêts), après que d’autres seigneurs (dont l’évêque de Bâle et les seigneurs de Hofstetten) eurent déjà obtenu de plus en plus de droits.

En 1515, Soleure acquit Hofstetten et Flüh des seigneurs de Rotberg, et à partir de ce moment-là, Hofstetten et Flüh ont fait partie du canton de Soleure. Le canton de Soleure a vécu de près l’histoire européenne et les guerres de religion (civiles), mais il en est sorti relativement indemne.

Par conséquent, le moulin Flühmühle n’a jamais été détruit par la guerre et est toujours debout aujourd’hui, et depuis 2004 il a une fonction essentiellement résidentielle. Pendant plus de cinq cent cinquante ans, il a servi de moulin à céréales et, à partir du XIXème siècle, également de moulin à huile (Ölerei) et de cidrerie (Mosterei).

Soleure

Soleure, la France et Habsbourg

La Réforme dans les années 1520 et 1530 a entraîné d’importants changements politiques et religieux dans la région. Bâle et Berne devinrent protestants, Soleure resta (finalement) catholique.

La France fit main basse sur le sud de l’Alsace, y compris le Sundgau, et le Landskron lors de la paix de Westphalie (fin de la guerre de Trente Ans) en 1648, d’abord avec le margrave de Baden, puis comme unique propriétaire à partir de 1663. Sébastien le Prestre, seigneur de Vauban (1633-1707), transforma le château en forteresse. En 1813, les troupes alliées détruisirent la forteresse lors de la lutte contre Napoléon.

Le Landskron depuis 1813

Hofstetten-Flüh, la chapelle de la Vierge et le moulin Flühmühle

La première mention écrite du Flühmühle date du contrat de vente du Landskron de 1461. Un meunier louait alors le moulin.

Le moulin  figurait depuis 1543 à une place spéciale aussi dans la Marienkapelle ( chapelle de la Vierge) ou Siebenschmerzenkapelle (chapelle des Sept Douleurs, XVème siècle). Le monastère de Mariastein (construit en 1655) n’existait pas encore à cette époque.

L’an 1541 fut une date importante pour le moulin. Le jour de la Sainte-Lucie (13 décembre), le chevalier Hans Thüring, fils du châtelain Jacob Reich von der Landskron, eut un accident à proximité de la chapelle de la Vierge en tombant de la falaise. Pendant la peste qui sévissait à l’époque, il s’était réfugié avec ses proches de Pfirt et de Landskron dans la chapelle de Marie pour profiter d’un air plus sain.

Selon la légende, il y monta ensuite seul. Il s’est accroché à une branche pour regarder en bas dans la gorge. La branche a cassé et il est tombé dans le précipice. Il survécut, seule sa mâchoire a été brisée.

Un peintre anonyme a immortalisé cet événement en 1543 sur le tableau dit « Miracle » (Mirakelbild). Sur ce tableau, l’épisode est représenté avec la chapelle de la Vierge et le Bruderhaus à gauche, le moulin au milieu et la Landskron à droite. L’histoire de la chute à l’issue miraculeuse est représentée au verso du tableau.

Le meunier Werner Küry et son valet Simon amenèrent Hans Thüring à cheval au moulin. Il fut soigné pendant huit jours au moulin avant d’être emmené à Landskron. A gauche, on voit le prêtre Jakob Augsburger de la chapelle de la Vierge. Le tableau a probablement été commandé par le châtelain en guise de remerciement de l’issue favorable.

La chapelle de la Vierge en a également profité, car le châtelain a redécoré la chapelle en l’honneur de Marie, notamment avec les armoiries de la famille et le tableau des miracles, et depuis, cette chapelle est également appelée chapelle Reichenstein (Reichensteinische Kapelle).

Dans le contexte de Réforme et de Contre-Réforme de l’époque, le canton catholique de Soleure pouvait ainsi mettre en avant la grâce de Dieu et donc la supériorité catholique.

La représentation du moulin à la chapelle de la Vierge et du Landskron est une source historique et culturelle importante. Bien que la peinture du moulin ne reflète probablement pas entièrement la réalité, elle donne une bonne impression du moulin, de sa fonction et de son emplacement.

La Flühnühle aujourd’hui

Après 1543

Après 1543, le moulin à céréales (Getreidemühle) a été transformé à plusieurs reprises, des parties ont disparu ou ont été remplacées et le site a été agrandi. Néanmoins, les fondations permettent de bien reconstituer son évolution.

Le moulin a changé plusieurs fois de propriétaire, mais il est resté fidèle à son utilité première : un moulin à céréales. Les céréales provenaient principalement des environs immédiats et, dans une moindre mesure, du Sündgau. Au XIXème siècle, l’installation a été complétée par un moulin à huile et une cidrerie.

Artiste inconnu, les bains de Flüh et le monastère Mariastein, XVIIIème siècle, Image: Wikipedia

Les bains de Flüh : 1560-1970

Outre le moulin de Flüh, Flüh se distingua de 1560 à 1970 par une autre attraction: Bad Flüh (les bains de Flüh). Depuis 1560, le village fut connu pour ses sources d’eau et son établissement de bains. Les moines et les visiteurs de Mariastein affirmaient toutefois que l’intérêt principal de ce le lieu résidait dans les rencontres entre hommes et femmes (peu vêtus). Quoi qu’il en soit, le site a été démoli en 1970 après une longue période de déclin.

Mariastein

1900-aujourd’hui

En 1953, la grande roue en bois du moulin a été remplacée par une turbine qui a ensuite été alimentée en électricité. Le moulin a continué à fonctionner pendant plusieurs décennies. Le dernier rapport date de mai 2004, après quoi le moulin a été utilisé à des fins résidentielles. Cependant, les structures du moulin sont encore en grande partie intactes et la nouvelle fonction résidentielle rend pleinement justice au moulin.

Le moulin Flüh (même s’il ne moud plus), le Talbach et le Mühlbach sont les témoins d’un passé qui a de l’avenir. Le Talbach et le Mühlbach se rejoignent cinquante mètres plus loin et continuent à s’écouler pour se jeter dans la Birse.

Conclusion

Cette continuité a été possible grâce à des rénovations, à l’innovation, à une bonne gestion, à la stabilité politique et à la diplomatie du canton et de la Confédération, même en période de guerres (civiles) dans les pays voisins et au sein de la Confédération, et certainement aussi à un coup de pouce de la chance.

Cette stabilité (relative) ne va pas de soi, mais elle est une des caractéristiques fondamentales de la Confédération : la recherche de ce qui est réalisable, le compromis empreint de pragmatisme, et ce même à l’époque de la Réforme, des guerres de religion (européennes et suisses) des XVIème et XVIIème siècles et de la guerre du Sonderbund en 1847.

Église de Sta. Maria (Val Mustair, canton des Grisons), exemple d’église du Simultaneum du XVIème siècle jusqu’au XIXème siècle, catholiques d’un côté, protestants de l’autre.

Le simultaneum (l’utilisation commune des églises), la disputatio, les articles d’Ilanz dans l’Etat libre des Trois Ligues (1524/1526) et même la séparation des cantons (les Appenzeller en 1597) à l’époque des troubles catholiques et protestants sont des solutions bien suisses.

Soleure

Weissenstein, Bruder Klaus Kapelle

La ville de Soleure honore à juste titre un des premiers représentants de cette caractéristique helvétique, Nicolas de Flüh (1417-1487).

La Suisse a également la particularité d’apprécier l’ancien et les traditions, de leur accorder une place à côté des nouveaux développements et de s’y adapter.

L’innovation, la modernisation et la haute technologie à côté, et pas forcément toujours à la place, des anciennes structures sont le fondement de cette société et de la participation des

citoyens, grâce à la démocratie directe, la subsidiarité, le fédéralisme et la décentralisation.

Bref, c’est une incompatibilité d’humeur et contradictio in terminis avec le fonctionnement de l’Union européenne actuelle.

Révision: Andrea Zollinger, rédactrice

Impressions de Hofstetten-Flüh, Witterswil et environs

Le Schöpfliweg entre Hotstetten et Flüh, un ancien sentier et un ancien village celtes

Hofstetten

St. Johanneskapelle 

 

St. Niklauskirche