Les deux royaumes burgondes et la Sapaudia
21 décembre 2021
L’histoire des Burgondes se confond avec celle de la Suisse, dont elle permet de reconstituer un épisode d’importance. Entre 443 et 1032, les deux royaumes burgondes furent sans équivalents parmi les royaumes barbares apparus au début du Moyen Âge, après la chute de l’empire romain.
Les Burgondes
Qui sont les Burgondes ? C’est l’encyclopédiste romain Pline l’Ancien qui nomme pour la première fois ce peuple germanique. Il les situe sur l’Oder, en Pologne actuelle. Il est probable qu’ils vinrent de l’île de Bornholm (aujourd’hui territoire danois) dans la mer Baltique.
Au IIème siècle on les place entre l’Oder et la Vistule. Au cours du siècle suivant, ils vont se diriger vers le sud-ouest. À la fin du IIIème siècle, les Burgondes s’installent sur le Main, un affluent du Rhin. En 359, ils s’allient aux Romains, contre les Alamans.
Julius Schnorr von Carolsfeld (1794-1872), Nibelungen, 1847, la mort de Siegfried. Image: Wikepedia/Nibelungen-Forum
Vers 409, les Burgondes entrent dans l’Empire romain, dans la région de Worms (Allemagne), où ils bénéficient du statut de fédérés (foederatus). La tribu fonde un premier royaume à Worms (413-436), mais celui-ci est vaincu par les Huns en 436. La saga des Nibelungen y trouve son origine. Les Burgondes se déplacent alors plus au sud et s’installent sur la rive sud du lac Léman, dans la vallée du Rhône et dans la région de la Saône.
Le premier Royaume
Les Burgondes fondèrent un nouveau royaume qui englobait les régions de Besançon, de Genève, du lac de Constance (Bodensee), de Saint-Maurice et s’étendait au sud jusqu’à Avignon.
Contrairement aux autres tribus germaniques, les Burgondes adoptèrent la langue et la culture locales, le gallo-romain. Ce fait est remarquable car, bien que ces nouveaux venus soient les nouveaux souverains, la population gallo-romaine était beaucoup plus nombreuse. C’est à cette époque que sont jetées les bases de la Suisse romande.
Les Alamans, une autre tribu germanophone, s’installèrent dans d’autres parties de la Suisse et y introduisirent la langue et la culture germaniques, qui remplacèrent la langue et la culture gallo-romaines en quelques générations.
Le premier Royaume (443-534). Photo: Wikiwand.com
C’est au cours des années 500 que se forgea un particularisme burgonde. Les habitants commencèrent à se sentir sujets d’un même roi, vivant dans une même entité et dotés d’un destin commun, dans une période historique complexe du fait de la situation religieuse (paganisme, arianisme, église catholique) et de la situation ethnique, politique et culturelle (les évêques, les Francs, les Alamans, les Ostrogots, les Wisigoths et d’autres peuples et royaumes).
Ainsi naquit, un particularisme burgonde et une identité qui survécut à la disparation de l’entité politique, quand le royaume fut annexé par les rois francs en 534.
La Sapaudia vers 475. Image: Marco Zanoli/Wikipedia
La Sapaudia (Savoye)
La Sapaudia était constituée du territoire de la cité (une unité administrative déterminée par Rome) de Genève (Genava). Le mot Sapaudia signifie en langue celte le “pays des sapins”. La Sapaudia constitua la ville et le diocèse de Genève, auquel furent ajoutés les territoires de Nyon et d’Avenches (soit une grande partie de la suisse francophone d’aujourd’hui), jusqu’au Rhin et lac de Constance (Bodensee).
Le deuxième royaume et le particularisme burgonde
La chute du royaume burgonde eut lieu en 534, mais jusqu’au traité du Verdun (843) le territoire conserva son identité. La première extension des Burgondes détermina l’avenir et la forme du deuxième royaume (888-1032) : un domaine intermédiaire entre la Gaule et l’Italie. Les Burgondes s’emparèrent aussi du bassin du Rhône et de la Saône.
Le deuxième royaume burgonde (en vert). Image: Marco Zanoli/Wikipedia
Le deuxième royaume de Bourgogne s’étendit de Bâle à la Méditerranée en 1032, date à laquelle il fut incorporé au Saint Empire romain. Le territoire donna même naissance à plusieurs entités appelées Bourgogne : le duché de Bourgogne, le comté de Bourgogne et le duché de Bourgogne transjurane, ou Haute-Bourgogne.
Le troisième royaume qui n’est jamais venu
La Bourgogne est cependant toujours restée un concept prestigieux. L’ironie de l’histoire veut que ce soient les Suisses de la Confédération qui aient empêché l’avènement du troisième royaume de Bourgogne, en 1474-1477. C’était en effet l’ambition du (dernier) duc Charles le Téméraire (1433-1477).
Karl Giradet (1813-1871), 1857, la bataille de Morat. Collection: Musée de Morat
Il faillit atteindre son but et le royaume de France moribond aurait pu appartenir à l’histoire. En trois batailles (Grandson, Morat et Nancy), la Confédération vainquit non seulement l’armée bourguignonne, mais mit également fin à la vie du dernier duc et à ses ambitions.
Mais quelle culture, quelle couleur et quel éclat les deux royaumes bourguignons et le duché de Bourgogne ont-ils donné à l’Europe et à la Suisse. Payerne, Saint-Maurice ou Neuchâtel, par exemple, sont autant d’héritiers.
(Source: J. Favrod, Les Burgondes. Un Royaume oublié au cœur de l’Europe, Lausanne 2011; F. Demotz, L’an 888. Le royaume de Bourgogne. Une puissance européenne au bord du Léman, Lausanne 2012; Walter, Une histoire de la Suisse, Neuchâtel, 2016)
Révision: Lars Kophal (Neuchâtel), rédacteur et journaliste
Le château de Neuchâtel (1011)