Le temps continue de s’écouler au Musée de l’horlogerie de La Chaux-de-Fonds
1 avril 2024
Dans la société moderne, tout le monde connaît les termes seconde, minute, heure, jour, semaine, mois, année, décennie, siècle, millénaire, jour, nuit et saisons.
Mais qui sait qu’une année ne compte pas exactement 365 ou 366 (année bissextile), mais « seulement » 365, 2425 jours (la durée exacte d’une orbite de la terre autour du soleil) ?
Qui connaît ou a une ideé de la femtoseconde (un trillionième de seconde), de la nanoseconde (un milliardième de seconde) ou de la microseconde (un millionième de seconde) ?
Le Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds, équipement pour la femtoseconde
Ces unités de temps ne sont peut-être pas très importantes dans la vie quotidienne, mais elles sont fondamentales pour les entreprises, l’informatique, les télécommunications, les voyages aériens, l’astronomie, les voyages spatiaux, les satellites, les ordinateurs, l’intelligence artificielle, la recherche sur le climat et d’autres applications (scientifiques).
Le Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds (canton de Neuchâtel) présente, entre autres, cette mesure moderne du temps, ses applications et son histoire.
Le Locle, Tissot
Depuis des siècles, la Suisse est un leader mondial en matière d’innovation, de production, de commercialisation et d’exportation de garde-temps et d’autres dispositifs de mesure du temps.
L’Observatoire de Neuchâtel
Les mesures de l’Observatoire de Neuchâtel (1858-2007) sont toujours considérées comme les meilleures au monde. De nombreux villages et villes, en particulier dans les cantons de Genève, Vaud, Berne, Jura, Neuchâtel et Schaffhouse, produisent des marques de renommée mondiale ou moins connues et mènent des recherches pionnières dans le domaine de la mesure du temps.
Neuchâtel, le CSEM
Les accords internationaux (le Temps atomique international, TAI) de 1967 sur la seconde atomique comme unité de temps sont le fruit des recherches de cet observatoire. En 2007, les activités de l’observatoire ont été transférées à l’Université de Neuchâtel et au CSEM (Centre Suisse d’Electronique et de Microtechnique).
Ce n’est pas un hasard si le musée de la mesure du temps le plus avancé au monde, avec la plus grande collection d’appareils et son histoire millénaire, se trouve à La-Chaux-de Fonds. En effet, ce musée se trouve dans la « Métropole horlogère« , avec Le Locle le cœur de la production horlogère mondiale et le site du patrimoine mondial de l’Unesco.
L’entrée du Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds
Depuis des siècles, La Chaux-de-Fonds et Le Locle (canton de Neuchâtel) se consacrent presque entièrement à la recherche et à la production d’appareils de mesure du temps. Même l’urbanisme, l’éducation, les usines, l’emploi et la prospérité y sont orientés.
Le Musée d’horlogerie du Locle
Le Musée d’horlogerie du Locle et l’exposition de l’hôtel de ville du Locle offrent également un aperçu de cette histoire.
En raison de l’année du jubilé du bâtiment du musée à La Chaux-de-Fonds, cette contribution se concentre sur sa collection.
Le musée du Locle fera l’objet d’une contribution séparée, de même que d’autres musées de premier plan dans le domaine (notamment Longines à St-Imier, Omega et Swatch à Bienne, Audemars Piquet au Brassus, Patek Philippe à Genève, Beyer à Zurich, IWC à Schaffhouse et l’institut scientifique CSEM à Neuchâtel).
Le Musée de l’horlogerie de La Chaux-de-Fonds a été fondé en 1902 et a d’abord été installé dans l’École de l’horlogerie. Depuis 1974, il est installé dans un complexe étonnant, notamment en béton, et en grande partie souterrain dans le Parc des Musées. Les autres musées dans la parc sont le musée d’histoire et le musée de beaux-arts de La Chaux-de-Fonds.
Le Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds, télescope de l’observatoire de Neuchâtel
Toute personne visitant le musée doit prendre son temps. La collection est vaste, classée par thèmes et par ordre chronologique, avec des indications interactives, écrites et audiovisuelles en français, en allemand et en anglais. Tout comme un regard à travers un télescope dans un observatoire n’ennuie jamais, l’histoire, l’équipement et les développements de la mesure du temps fascinent également.
La collection a d’abord été constituée grâce aux dons d’industriels de la région et d’enseignants de l’École de l’horlogerie. La Société des fabricants d’horlogerie a longtemps été le principal donateur. Progressivement, les dons (internationaux), les legs et les achats ont pris une place de plus en plus importante.
Sa réputation mondiale, son expertise en matière d’entretien et de réparation et le soutien (financier) de diverses organisations (dont la Fondation Maurice Favre et l’Association des AmisMIH) sont à l’origine de nombreux legs et donations chaque année. Une exposition est actuellement consacrée aux legs provenant des collections uniques d’Eduard Streit (1939-2023) et de Michel Huber (1950-2023).
Le Gnomon, l’un des plus anciens instruments de mesure du temps. Sculpture réalisée en 2014 à l’occasion du 40e anniversaire de la collection de cadrans solaires anciens du Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds.
Les Égyptiens de l’Antiquité n’étaient peut-être pas encore capables d’afficher les heures ou les secondes, mais ils connaissaient déjà la relation soleil-terre, les calendriers, les jours, les mois, les années et la mesure du temps. Les scientifiques de Babylone, de l’Empire perse et d’autres régions du Moyen-Orient et de l’Extrême-Orient, y compris la Chine, s’intéressaient aussi à la mesure du temps. Le musée commence donc par cette histoire.
Copie de la Clepsydre de Karnak (Égypte), vers 1400 avant J.-C. Collection : Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds
La Clepsydre d’Égypte et le Gnomon (les Grecs ont donné le nom à cette invention égyptienne) sont les plus anciens exemples de mesure du temps. Les Grecs et les Romains ont développé le système et le calendrier julien (romain) a été la mesure officielle du temps en jours, mois, semaines et années jusqu’en 1582. L’introduction du calendrier grégorien en 1582 était basée sur de nouvelles mesures du temps.
Une collection de sabliers. Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds
Une collection de cadrans solaires. Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds
L’affichage précis des heures et des secondes n’était cependant pas encore possible. Le lever et le coucher du soleil, ainsi que les saisons, ont largement déterminé le rythme quotidien de la vie jusqu’au haut Moyen Âge. Les unités de temps étaient déterminées par des cadrans solaires, des sabliers,, des bougies et d’autres outils.
Le planétaire de Giovanni Dondi (1330-1388). Collection: Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds
L’astronomie a été la science la plus importante pour la mesure du temps jusqu’à l’apparition de l’horloge mécanique à la fin du Moyen-Âge. Les cloches d’église actionnées manuellement jouaient un rôle important dans la vie quotidienne et dans les monastères du monde chrétien.
Au VIXème siècle, les premières horloges astronomiques ont été développées. Le chronométrage mécanique s’est développé à la fin du 14ème siècle et au 15ème siècle. Ce n’est pas un hasard si la première horloge mécanique a été installée sur une tour d’église (cathédrale de Salisbury, 1386). Les Zytglogge de Soleure ou de Berne, entre autres, en sont des exemples séculiers en Suisse.
Mécanisme d’une cloche d’église médiévale, mécanisme vertical avec gravité (par des poids). Collection: Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds
Mécanisme d’une horloge d’église moderne, mécanisme horizontal sans gravité. Modèle du Grand Temple. Collection: Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds
Il n’y a pas eu d’inventeur unique, mais plutôt une série d’applications innovantes et de découvertes successives, notamment en France, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Angleterre et en Suisse.
Bien que les inventeurs et les chercheurs soient trop nombreux pour être cités individuellement, une exception est faite pour Christiaan Huygens (1629-1695). Il occupe une place à part parmi plusieurs autres inventeurs.
Son invention était aussi petite qu’elle était importante pour le développement de la mesure du temps : le pendule et le ressort spiral (autres appelations sont balancier spiral, ressort églant et spiral réglant dans ‘l’Unrueh’, le mécanisme de commande central d’une pièce d’horlogerie.
Le Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds et la Fondation (Stichting) Haegsche Tijd organisent une exposition en 2025 pour commémorer l’invention du ressort spiral en 1675.
Le système de Christiaan Huygens pour le pendule et le ressort spiral en mots et en images. Au premier plan, une horloge à pendule de 1690 fabriquée par Pieter Visbagh (1634-1722). Collection: Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds.
Les pendules, puis les montres de poche font leur apparition. Celles-ci deviennent de plus en plus précises, fonctionnelles, belles et même de véritables œuvres d’art. Le musée offre un aperçu chronologique des inventeurs, des applications et des développements les plus importants.
Les compétitions sportives (d’abord les courses de chevaux au XIXème siècle), la mondialisation, le commerce, les développements techniques et l’industrialisation ont entraîné une augmentation constante des besoins en matière de mesures et d’équipements temporels précis.
La particularité du musée ne réside pas seulement dans sa collection. Le bâtiment est souterrain et fait de béton, un matériau brut. Cependant, le visiteur se sent entouré d’un bain chaud des appareils, d’histoire, d’art, d’information et de décoration.
Plusieurs autres bâtiments monumentaux en béton ont précédé ce musée en Suisse, notamment l’église d’Hérémence (l’église Saint-Nicolas, canton du Valais) et l’Antoniuskiche à Bâle. Dans le cadre d’un musée, il s’agit cependant d’un concept nouveau.
Les architectes Pierre Zoelly (1923-2003) et Georges-Jacques Haefeli (1934-2010) se sont non seulement inspirés de l’architecture du Corbusier (1887-1965), né et formé à La Chaux-de-Fonds, mais ils ont également tenu compte de l’environnement (le Parc des Musées) ainsi que de la collection et de la fonctionnalité du musée.
Une exposition est consacrée à la création de ce complexe. (Pour plus d’informations : N. Maillard, Le Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds, Société d’histoire de l’art en Suisse, 2024, également disponible en allemand et en anglais).
C’est aussi un musée d’art : la créativité, l’ingéniosité technique et les styles artistiques à partir du XVIème siècle s’y expriment, par exemple les œuvres d’art astronomiques du XVIème siècle magnifiquement décorées, les montres pour femmes et les montres de poche pour hommes du XVIIème siècle, les peintures, le mobilier et les intérieurs, les pendules du XVIIIème siècle, les premières montres-bracelets, les chronomètres, et les applications à quartz, électroniques et atomiques du XXème et du XXIème siècle.
Maître hollandais inconnu, vers 1750, gentilhomme avec une montre de poche. Collection : Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds
Et puis, c’est un musée d’histoire. Après tout, l’histoire de la mesure du temps suit les développements sociaux, internationaux, industriels, religieux et techniques, les anciens et les nouveaux empires et leurs dirigeants.
Atelier d’un fabricant de montres, début du XXème siècle. Collection : Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds/ Gare de la Chaux-de-Fonds
De nombreuses personnalités suisses et internationales apparaissent dans ce contexte. La Merveilleuse (1878) d’Ami Lecoutre (1843-1921), l’invention du Tourbillon (1801) d’Abraham-Louis Breguet, le Planétaire (1816) et montres des XXème et XXIème siècles.
François Ducommun, Planétaire, 1816. Collection:Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds
Diverses maquettes permettent de comprendre le fonctionnement d’un garde-temps, de la petite montre à la grande horloge d’église. Des répliques d’ateliers de production et d’artisanat sont présentées et les applications pratiques sont abordées, par exemple dans la navigation, la recherche scientifique, la vie quotidienne, les affaires, la mode ou la décoration intérieure.
L’atelier de restauration du Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds
Le musée accueille également des activités de recherche, d’entretien et de réparation. Un atelier permet aux visiteurs de se familiariser avec les techniques de pointe. Les archives et la bibliothèque sont accessibles sur demande.
Collage sur le thème du temps (« La vitesse est relative, mais le temps est absolu », gare de La Chaux-de-Fonds)
Le temps a aussi un aspect philosophique. Qu’est-ce que le temps ? L’univers a environ 14 milliards d’années, la terre environ 4 milliards d’années.
Le carillon symbolique, fonctionnel et artistique de 1980 (artiste: Onelio Vignando, 1914-2021) à côté et au-dessus du musée dans le Museumpark
Seul l’homme se préoccupe du « temps » depuis des milliers d’années et veut ordonner le « temps ». Cependant, le nombre de femtosecondes de l’univers et de la terre dépasse l’entendement humain.
Hans Erni (1909-2015) a réalisé trois fresques pour l’Exposition universelle de 1958 à Bruxelles: La conquête du temps, Histoire de la Mesure du temps et Technique de la Mesure du temps. L’image est un détail de la fresque Technique de la Mesure du temps: l’homme moderne et la lutte contre le temps, symbolisée par un vieil homme avec un sablier et une faux. Les trois fresques sont conservées au Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds
Le musée met en évidence la mesure du temps depuis 5000 ans d’une manière unique, compréhensible et fascinante.
(Source et plus d’informations: C. Cardinal, J.-M. Piguet, Catalogue du Musée international d’horlogerie, La Chaux-de-Fonds,1999; M. Leonhardt, L’heure, et plus encore Montres à complications de la collection du Musée international d’horlogerie, Neuchâtel, 2018; Le Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds)
Impressions du Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds