Der Aletschgletscher und Konkordiaplatz. Foto/Photo: TES

Le glacier d’Aletsch en mouvement constant

Le glacier d’Aletsch (Aletschgletscher), l’Eiger, le Mönch et la Jungfrau, situés dans les Alpes bernoises, constituent le site « Alpes suisses Jungfrau-Aletsch » inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2001.

Le physicien, mathématicien, glaciologue et alpiniste anglais John Tyndall (1820-1893) écrivit déjà en 1860 : « Le glacier d’Aletsch est le glacier le plus grandiose des Alpes : nous regardions de tout en haut ce puissant fleuve de glace généreusement alimenté par les montages avoisinantes ».

Le glacier d’Aletsch

La place Concordia un lieu-dit du glacier d’Aletsch doit son nom à un mot d’esprit d’un autre Anglais, J. F. Hardy qui compara le cœur du grand glacier à la célèbre place de la Concorde à Paris. A cet endroit vers 1937, l’épaisseur du glacier atteignait 900 mètres contre environ 800 mètres aujourd’hui.

Ce glacier et des centaines d’autres glaciers ont façonné le paysage d’une grande partie de la Suisse pendant des centaines de milliers d’années.

Mais l’imposant glacier d’Aletsch a subi au fil du temps des variations d’épaisseur périodiques – diminution ou augmentation – et sa longueur, aujourd’hui d’environ 22 kilomètres, recule de 50 à 70 mètres par an.

Il y a des millions d’années la Suisse, où régnait un climat subtropical, était encore en grande partie sous l’eau. Puis, au cours d’un long processus, le climat s’est progressivement refroidi. La plus grande extension des glaciers fut atteinte en Suisse lors de la culmination – passage d’un astre à son point culminant – de la dernière période glaciaire, il y a environ 24 000 ans.

La fin du glacier, juillet 2022

Recherche

Les glaciers d’Aletsch, de Fiesch et du Rhône s’étendaient jusqu’à Lyon au sud (France) et Soleure au nord et avaient une épaisseur de 1’700 à 500 mètres ! La température moyenne était inférieure de 14°C à celle d’aujourd’hui.

La recherche moderne est en mesure de vérifier avec une précision raisonnable l’évolution historique des glaciers jusqu’à il y a 24’000 ans. Les premières recherches scientifiques remontent à 1841.

Cette année-là, Arnold Escher von der Linth (1807-1872) émit une théorie sur la fonte du glacier d’Aletsch. La phase de recul du glacier débuta en 1860 et s’est accrue pour atteindre aujourd’hui plus de 50 à 70 mètres par an. Ainsi, depuis cette époque, le glacier d’Aletsch a perdu environ 4 kilomètres de longueur.

La fonte des glaciers n’est donc pas une nouveauté. De nombreux lacs sont le résultat de ce processus : du Blausee (canton de Berne) et du Märjelensee (canton du Valais) aux lacs de Neuchâtel, Morat ou Bienne. La fonte des glaciers a commencé il y a environ 12’000 ans. La température a augmenté de près de 2°C au cours des 50 dernières années.

Le Blausee, Kandertal

Toutefois, la planète a subi une alternance de périodes froides et de périodes chaudes. Par exemple, entre 1300 et 1850, lors du petit âge glaciaire (PAG), le glacier d’Aletsch connut une de ses plus fortes progressions. Cette période est documentée dans les Alpes car des populations lettrées qui s’y étaient établies, ont laissé différents témoignages : peintures, gravures, documents, récits.

Au Moyen-Age, entre environ l’an 800 et l’an 1300, il y eut ce que l’on nomme « l’optimum climatique médiéval ». La température était alors d’un degré supérieur et le glacier d’Aletsch avait pratiquement sa taille actuelle. Cependant, à l’âge de bronze et du fer (de 1300 jusqu’à 100 avant J.-C.), il était plus petit qu’aujourd’hui.

Abraham Beerstraten  (1643-1666), village en hiver, 1660. Musée d d’art et d’histoire, Ville de Genève.

 Le glacier de Fiesch

Le glacier de Fiesch est le petit frère du glacier d’Aletsch. Au nord, ce géant d’une longueur de 16 kilomètres est limité par la paroi sud du Finsteraarhorn, plus haut sommet des Alpes bernoises, se situant à 4274 mètres d’altitude.

Au XVIIème siècle, lors des maxima glaciaires, le glacier de Fiesch était si menaçant pour les hameaux de Brucheren et d’Unnerbärg qu’en 1652 les habitants – catholiques – se rassemblèrent en une procession afin d’exorciser le « fantôme » qui vivait dans ce glacier. Et le glacier se calma. Puis, en 1676, ils demandèrent au Pape Innocent XI la permission de faire un autre vœu car certains n’avaient pas tenu leurs engagements.

Cela leur fut accordé en 1678 et ils jurèrent de ne plus danser en cachette et de ne plus laisser leurs femmes porter des tabliers rouges. Lors d’une nouvelle avancée du glacier en 1860, ils promirent de faire chaque année un pèlerinage à la chapelle de la forêt d’Erner, de laisser brûler continuellement un cierge dans l’église et de dire une messe une fois par an.

Et le glacier recula. Aujourd’hui, inquiets du recul du glacier, les habitants font une procession pour demander sa croissance.

John Tyndall

John Tyndall, mentionné ci-dessus, mérite une attention particulière. Non seulement, il était un glaciologue renommé et un alpiniste chevronné qui a entrepris, entre autres, les ascensions de la Jungfrau, du Weisshorn, de la pointe Dufour (Dufourspitze), du Finsteraarhorn et de l’Aletschhorn mais encore il aimait la Suisse, en particulier le Valais et surtout Belalp.

De 1861 à sa mort, il passa les mois d’été à l’hôtel Belalp, construit en 1857. La chapelle anglicane date de 1884. En 1877, il construisit au-dessus de l’hôtel une maison de campagne anglaise Alp Lusgen. Et en 1877 il devint bourgeois d’honneur de la commune de Naters. Après sa mort, en 1911, son épouse Louisa fit ériger un monument sur le Triembiel à Belalp pour honorer la mémoire de son époux et l’attachement qu’il portait au pays et aux habitants de la région.

Les Anglais

Ce n’est pas l’unique contribution des Anglais. Au pied de l’Eggishorn, le Valaisan Alexander Wellig construisit en 1856 avec le soutien d’un donateur britannique l’hôtel Jungfrau-Eggishorn, alors une simple auberge. Il fut ensuite transformé, sous la direction d’Emil Cathrein (1847-1916), pionnier du tourisme dans la région d’Alestch, en véritable complexe hôtelier.

En 1902, l’hôtel Jungfrau-Eggishorn comptait 102 lits et comprenait, entre autres, son propre bureau de poste, un kiosque, deux chapelles anglicanes et un court de tennis.

Das schreckliche Trümmergebilde, Vue d’Eggishorn

Das schreckliche Trümmergebilde (terrible formation de débris), pyramide rocheuse faite de roche meuble, à l’époque le point de vue le plus célèbre des Alpes, était une grande attraction et une destination touristique bien connue des nombreux alpinistes dont l’hôtel Jungfrau-Eggishorn constituait le point de départ. L’hôtel prospéra jusqu’en 1968, puis la construction du téléphérique vers l’Eggishorn signa la fin d’une certaine époque : celle des pionniers du tourisme et celle de l’hôtel qui, de surcroît, brûla en 1972.

Sir Ernest Cassel (1852-1921), banquier d’affaires, mécène, collectionneur d’art et éleveur de chevaux britannique, choisit  la Riederfurka pour en faire sa résidence d’été et construisit en 1902 une maison de trois étages et de vingt-cinq pièces dans le style victorien, la Villa Cassel. La villa, située à côté de l’hôtel Riederfurka  édifié en 1882, est aujourd’hui le site du centre Pro Natura d’Aletsch, réserve naturelle de la forêt d’Aletsch (Naturschutzzentrum Aletschwald).

Avec le début de la Première Guerre mondiale (1914-1918), l’agitation enjouée qui entoura la Villa Cassel, sorte de précurseur du Forum économique mondial de Davos, prit fin. Sir Winston Churchill (1874-1965) fut l’un des nombreux visiteurs issus du monde politique, économique, culturel et financier à y séjourner.

Conclusion

Le glacier d’Aletsch est l’élément central d’une région classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. D’un âge vénérable, son histoire est faite de hauts et de bas, soit de croissance et de déclin. C’est l’un des premiers glaciers ayant fait l’objet d’une étude scientifique. Il a été le berceau du tourisme britannique de 1850 à la Première Guerre mondiale.

Cela démontre aussi que les glaciers d’aujourd’hui, ainsi que les montagnes, les lacs, les rivières, la flore et la faune, ne sont pas le fruit du hasard, mais le résultat de processus naturels qui se sont déroulés sur plusieurs millions d’années.

L’impact négatif de l’homme sur la nature a évolué rapidement depuis les années 1950 et se fait de nos jours plus ressentir que jamais. Mais la nature reprenant toujours ses droits, la Terre continuera de tourner pendant un certain temps, comme elle le fait depuis quatre milliards d’années.

Toutefois, cela ne change rien au fait qu’il incombe à chaque être humain de respecter la nature et, partant, le plus grand site du patrimoine mondial qu’est la planète.

Source et informations complémentaires Accueil – Alpes suisses, patrimoine mondial de l’UNESCO Jungfrau-Aletsch (jungfraualetsch.ch)

Rédaction et révision: Marianne Wyss, écrivain public et traductrice.