Moutier Exit, deuxième acte
11 mars 2021
Pour faire suite aux articles du site Swiss Spectator, voici une brève réflexion historique sur la votation fixée le 28 mars 2021 à Moutier.
En effet, suite à des irrégularités lors du vote du 8 juin 2017, les habitants de Moutier doivent voter à nouveau sur l’appartenance cantonale de leur ville : rester dans le canton de Berne ou rejoindre le canton du Jura.
C’est la onzième fois en soixante ans que les électeurs – et depuis 1971 les électrices – du chef-lieu du Jura bernois sont appelés à se prononcer sur une thématique liée à la fameuse Question jurassienne.
On peut se poser la question : quand la Question jurassienne a-t-elle commencé ? Entre le XIIIème et le XVème siècle, Berne poursuivit sa politique expansionniste vers le sud. Alors, Bienne chercha l’indépendance ou une alliance avec Berne.
Pendant la Réforme, lorsque Berne et d’autres Confédérés régnèrent sur Neuchâtel de 1512 à 1529, leur influence amena Moutier à adopter la Réforme en 1528. La ville de Moutier ainsi que d’autres villes et villages devinrent ainsi protestants.
La partie catholique du Jura fut annexée à la France, après la proclamation de la République rauracienne en 1792. Puis, le département du Mont-Terrible fut constitué en 1793 par l’annexion française de la République rauracienne, puis le département Haut-Rhin (1800-1813).
Moutier fut placée sous l’administration de Berne et de Fribourg jusqu’en 1797/98. Moutier dépendit ensuite des départements français du Mont-Terrible (1798-1800) puis du Haut-Rhin (1800-1813) avant d’être rattaché au canton de Berne en 1815.
Hormis ce conflit séparatiste vieux de plus de 200 ans, d’autres raisons peuvent-elles expliquer ce souhait de faire partie du canton du Jura ?
Peut-être une certaine emprise des germanophones, la position de région négligée par le canton de Berne, la réligion ou alors d’autres « désagréments » ?
Le 23 juin 1974, par 36’802 voix contre 34’057 les habitants du Jura se sont prononcés pour la création d’un nouveau canton. Et le 24 septembre 1978, l’ensemble des cantons suisses et une majorité (82,2 %) de citoyens ont accepté la création du canton du Jura. Le 1er janvier 1979, le canton du Jura est entré en souveraineté et devint le 26ème canton suisse.
Les raisons invoquées ci-dessus ne semblent pas – ou plus – être des facteurs décisifs dans la Question jurassienne. Il semblerait plutôt qu’il s’agisse d’une question culturelle, économique, d’identité et de fiscalité.
Les partisans (Moutier au Jura) et les opposants (Moutier à Berne) ont leur propre opinion sur la question : les opposants affirment, entre autres, que si Moutier reste dans le canton de Berne, la ville pourrait passer, avec les communes environnantes du canton de Berne, le cap des 10 000 habitants, ce qui garantirait la pérennité des soins et de l’éducation dans la région. Les partisans aspirent, eux, à l’autonomie territoriale, politique et linguistique.
Quoi qu’il en soit, ce sera une nouvelle “photo finish” le 28 mars prochain. Détail intéressant, depuis 2017, 700 habitants ont quitté la commune et 600 nouveaux habitants s’y sont installés.
Ces 100 personnes pourraient bien jouer un rôle important lors de ce scrutin – le plus contrôlé de l’histoire suisse – placé sous la haute surveillance de l’Office fédéral de la Justice. En effet, le principal enjeu consistera pour les deux camps à rallier à leur cause les nouveaux habitants arrivés à Moutier depuis le vote du 18 juin 2017.
(Source : Christian Moser, Der Jurakonflikt. Eine offene Wunde der Schweizer Geschichte, Bâle, 2020).